Souvent nos vies de marins sont, il faut le dire, dures : une hygiène très limitée, quand il y en a …, des nuits de sommeil qui, a terre me feraient peter un plomb, une nourriture vraiment très bizarre, et sans parler de celles et ceux qui ont le mal de mer.
Et pourtant on y retourne.
Et je vous assure que nous ne sommes pas maso.
On y retourne parce que c’est un luxe incroyable que de ne vivre que dans le présent. C’est une denrée rare que d’être confronté tout le temps à soi et qu’il n’y a pas de place pour tricher. C’est un luxe extraordinaire que tous nos gestes banales revêtent une sacrée importance. C’est un plaisir énorme que de sortir tout le temps de sa « zone de confort ». Sans parler des joies de la glisse pure, ni de l’odeur de la mer.
Alors nous marin, nous devons partager. Une de mes rocks star de la voile, Thomas Coville, dit un truc que je trouve très vrai : « si on n’est bon qu’à soi, on n’est bon qu’à rien ». Alors moi je suis là pour partager l’idée essentielle à mes yeux, sans jeu de mot, qu’on doit aimer l’Autre même s’il est différent. C’est pas simple du tout, c’est même pour ça qu’il y a des guerres. Mais tôt ou tard il y a la paix. La différence, c’est aussi une force.
Moi au gosse à qui on disait « c’est pas pour toi » ou « c’est pas possible », moi aussi je fais de la course au large. Certes on est actuellement dernier. Mais on s’accroche. J’y arrive, différemment mais j’y arrive.
Et on a cette chance dingue de faire rêver.
Et finalement la différence c’est laisser prise à ses rêves de gosse. Qui eut cru un jour que j’aurai une accolade de Kito, mon autre rock star de la voile, un matin de départ de course.
Sous Majorque, mercredi 2 octobre. 2024 1 h UTC.
Joël Paris
Class 40 32.
Reve à perte de vue